Mes parents âgés entassent des objets, c’est un syndrome de Diogène ?

Mise à jour le 28 février 2023
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Votre proche âgé accumule les objets de manière compulsive et désordonnée. Est-ce un syndrome de Diogène, dont les médias ont beaucoup parlé ? Quand s’inquiéter et comment réagir ? Les réponses de Jean-Claude Monfort, psycho-gériatre à Paris et spécialiste du sujet.

À lire sur l’accumulation d’objets chez les personnes âgées

Syndrome de Diogène : de quoi parle-t-on ?

Le syndrome de Diogène, du nom d’un philosophe grec de l’Antiquité, se caractérise par « Un besoin de tout contrastant avec une demande de rien, c’est-à-dire un refus des aides proposées, explique Jean-Claude Monfort, psycho-gériatre et auteur du livre « La Psychogériatrie ». Il s’y ajoute un comportement hors normes concernant trois relations : un intérêt extrême pour les objets dont la personne a du mal à se séparer et qui encombrent les espaces de vie ; un désintérêt extrême pour le corps et les vêtements qui sont négligés pour ne pas dire sales. Les objets accumulés peuvent compliquer l’accès au logement ou la sécurité des personnes âgées avec un risque de chute ou encore d’incendie. Enfin, il existe un désintérêt extrême pour la vie avec les autres avec un isolement social et parfois une réclusion à domicile. On emploie des termes souvent stigmatisants pour décrire ces comportements et qui peuvent blesser comme l’incurie, habitat indigne, entasseur, etc.

Quand s’inquiéter pour un proche qui garde tout ?

« Je ne veux pas jeter ça, ça peut servir ! » Vous avez peut-être déjà entendu cela de la part de votre proche âgé, mais à quel moment faut-il s’inquiéter ? Cette inquiétude peut être liée à la présence d’une maladie associée, soit une baisse des performances cognitives (de type Alzheimer), soit des difficultés psychologiques comme des rituels d’entassements (TOC), des phobies sociales (au point de ne plus sortir), des épisodes dissociatifs (schizophréniques ou post traumatiques). Pendant longtemps, j’ai cru que le syndrome de Diogène était le résultat d’une pathologie, poursuit le médecin. Or des études ont montré qu’une fois sur deux il n’y a pas de maladie associée. Je préfère dire à ces personnes et à leur entourage qu’elles sont hors norme, plutôt que de parler de comportement anormal. Je dis souvent à l’entourage : « Votre papa ou votre maman a un mode de vie hors-norme ». Et les personnes avec ce mode de vie hors-norme sont plus nombreuses qu’on ne le pense. Vous allez en trouver chez vos parents, mais aussi chez vos frères et sœurs, vos voisins. Les cas extrêmes de syndrome de Diogène avec des situations préoccupantes sont en revanche plus rares. »

Que peuvent faire les aidants de collectionneurs compulsifs ?

« Pour mesurer la présence de symptômes préoccupants ou à risque il existe une échelle d’évaluation des symptômes déconcertants qui épuisent les professionnels, mais aussi les familles (EPADE*), poursuit Jean-Claude Monfort. Nous avons aussi construit pour la Mairie de Paris une échelle d’évaluation des risques et des nuisances *. Une façon de décrire les situations de manière objective, avec « Oui », « Non », « Je ne sais pas ». On peut très bien entasser tout un tas de choses chez soi, pourquoi pas, mais les risques ou points de vigilance concernent de multiples points, en particulier les trois suivants :

  • est-ce que l’entassement est lourd au point de risquer un effondrement de plancher ou un danger pour la personne ?
  • est-ce que l’entassement se compose de choses putrescibles ? C’est-à-dire est-ce que ce qui est conservé pourrit et peut amener des parasites dans le logement ?
  • est-ce que ce qui est entassé est inflammable, comme du papier et du carton ?

Conserver du tissu en grande quantité n’est pas aussi problématique que d’accumuler des métaux lourds. Entasser des piles de journaux jusqu’au plafond peut ne poser aucun problème particulier. Mais chez une personne qui fume ou s’éclaire à la bougie par exemple, cela peut être dangereux.

Si le syndrome de Diogène apparait comme étant le résultat d’une histoire de vie sans maladie associée et sans complication, alors l’intervention d’un médecin, notamment gériatre ou psychiatre, n’est pas nécessaire. S’il n’y a pas de risque pour la santé ou la sécurité, et que la personne âgée vit bien comme cela, il n’y a pas de raison de l’empêcher de faire ce qui la rassure. L’enjeu est alors de garder la confiance de la personne et de lui faire accepter l’installation d’une veille bienveillante. »

Comment trier ensemble les souvenirs de toute une vie ?

Si la manie de votre proche de tout conserver résulte d’un manque d’organisation ou de la fatigue liée à l’âge, vous pouvez lui proposer de faire un peu de tri dans ses affaires. Lui demander ce qu’il a vraiment envie de conserver parce que cela fait partie de ses souvenirs ou parce que cela lui plait ou peut lui être utile et lui suggérer de donner ou jeter tout ce qui n’entre pas dans ces catégories. Allez-y par étape, sans décider à la place de votre proche. Vous pouvez aussi lui proposer l’intervention régulière d’une aide-ménagère pour l’aider à maintenir son logement propre et ordonné. Sachez aussi que des aides existent, notamment si la personne âgée est en situation de précarité. Le Dr Jean-Claude Montfort a un avis plus nuancé sur les aides visant à jeter. « Il faut rester très prudent, car le remède peut être pire que le mal. Vous pouvez proposer à votre proche de l’aider à trier et à ranger ses affaires, mais si vous sentez que jeter ou donner provoque de la souffrance, mieux vaut ne pas insister car vous risquer d’aggraver un sentiment d’insécurité. » L’effet serait alors que la personne entasse encore plus vite pour se rassurer !

** Ces deux fiches sont téléchargeables sur le site de psychogériatrie : www.psychoge.fr/